Fixés sous verre


Les spécialistes contestent cette appellation appliquée à une industrie dont le développement s'étendit de 1730 à 1880 environ. On lui préfère l'expression "peinture sous verre", plus à même de rendre compte de la réalité de la technique à laquelle elle fait appel. En effet, la peinture est exécutée sur une feuille de verre qui a été préalablement soufflée et qui lui servira de protection.
L'emploi de "fixés sous verre" devrait être réservée, selon le docteur Léon Kieffer, à des petits tableaux à l'huile, peints sur tissu et fixés ensuite sous une plaque de verre qui tient lieu de vernis.
L'origine de la peinture sous verre est très ancienne ; cependant, les recherches n'ont pu donner des repères plus précis que celui de la haute antiquité.


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'est encore une fois en Italie (Venise au temps de la Renaissance) que cette peinture connaît un développement à l'origine d'une vogue durable en Europe et sur les autres continents. A cette époque, on l'utilise pour les décors de mobilier, de reliquaires ou d'autels. Cette destination première fait place peu à peu à un art plus artisanal, cherchant à copier des oeuvres de la grande peinture, empruntant son répertoire et donc ses sources d'inspiration. Les auteurs s'accordent à faire d'Augsbourg une des étapes essentielles de la diffusion du fixé sous verre, orienté au début du XVIIIème siècle encore vers un "art savant", qui sera d'ailleurs toujours l'une des composantes de la peinture sous verre. Mais, au fur et à mesure de son extension en pays germaniques et en Europe centrale ( Autriche, Bavière, Bohême, Silésie, Forêt-Noire, Pologne, pays slaves ) jusque dans les Balkans, durant les XVIIIème et XIXème siècles, ce qui était encore un "art de ville" se pratique désormais dans des petits ateliers familiaux et devient l'une des expressions les plus vigoureuses de l'art populaire.


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omment expliquer une telle diffusion ? La faillite de certaines verreries qui se reconvertissaient dans cet artisanat élevé au niveau d'une industrie au succès assuré ? Les migrations des verriers se déplaçant sans cesse à la recherche du bois, le combustible indispensable à leurs fours ? Les mouvements que provoquent les mariages, les voyages du compagnonnage ? Tous ces facteurs ont contribué sans doute à cette extraordinaire expansion, sans compter l'organisation d'un réseau commercial fort efficace, s'appuyant sur le colportage, les foires, les marchés et les pèlerinages. Il est impossible de développer ici une étude sur les différents centres de production, dont on détermine aujourd'hui assez précisément, pour la plupart, les limites géographiques et les caractéristiques. Même si une peinture sous verre n'est jamais signée ou datée, ou très exceptionnellement, la documentation actuelle recense de façon générale les ères géographiques suivantes : Augsbourg, haute Bavière, Oberammergau, Monts de Bohême, Bavière orientale, Bohême du Sud, haute Autriche ( Sandl et son fond jaune caractéristique ), Silésie et Bohême du Nord, Forêt-Noire, Alsace, Pologne, Roumanie ( style proche des icônes ), Yougoslavie, France, Italie, Espagne, Angleterre ( plus sporadique ).


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our la France, on trouve encore des exemplaires de la grande peinture reproduisant des oeuvres de Largillière, de Boucher, de J. Vernet, de H. Robert, de Chardin, de Greuze, de Boilly...L'art populaire, quant à lui, s'est développé près de Nice, au sanctuaire de Notre-Dame de Laghet, sous forme d'ex-voto essentiellement, et en Alsace.
En Europe, les motivations sont essentiellement religieuses. Les sujets profanes sont rares et très recherchés : les quatre saisons ( scènes ou personnages allégoriques ), les cinq sens, les continents, les éléments, les allégories.
Les peintures sous verre constituent pour l'historien de précieux documents pour définir l'histoire de l'imaginaire populaire. Quant au collectionneur, son attention se portera sur l'abondance des ornements et la juxtaposition de couleurs vives.


Source bibliographique


Dictionnaire illustré des antiquités et de la brocante

Sous la direction de Jean Bedel
Librairie Larousse - 1983