Cristal de Roche
Le quartz hyalin, plus connu sous le nom de cristal de roche, est de la silice pure qui se présente fréquemment sous forme de prismes à six pans surmontés d'une pyramide à chaque extrémité. Ces cristaux se trouvent ordinairement dans des cavités contenues dans les roches et auxquelles on a donné le nom de geodes ou fours à cristaux. Ils sont alors groupés par la base, couchés, dressés, enchevêtrés sans ordre, et ne présentent de pyramide qu'à leur extrémité libre.
Comme tous les minéraux siliceux, le quartz hyalin ne fait pas effervescence aux acides ; il étincelle au briquet et il raye aisément le verre et l'acier. Il représente le septième terme de l'échelle de Mohs, c'est-à-dire que sa dureté est comprise entre celle de l'orthose et celle de la topaze.
Les dimensions des cristaux de quartz varient beaucoup ; les uns sont filiformes, presque microscopiques ; d'autres, au contraire, ont des proportions gigantesques ; on en a recueilli qui pesaient jusqu'à 400 kilogrammes. Les galeries du muséum d'histoire naturelle, à Paris, possèdent un remarquable cristal de quartz qui mesure 0.90 m de hauteur sur 1.10 m de large. Il a été rapporté d'Italie par Bonaparte. Les massifs montagneux des Alpes présentent des gîtes nombreux de ces beaux cristaux. Actuellement, les plus gros viennent du Brésil, du Japon et surtout de Madagascar. Les anciens considéraient le cristal de roche comme le résultat d'une sorte de congélation de l'eau dans la terre, phénomène dans lequel la neige jouait aussi un certain rôle. Pline se fit l'écho de cette opinion qui eut cours pendant tout le moyen âge. Un auteur du XIVème siècle définit le cristal de roche "une pierre reluisante et claire qui a couleur d'eau : car elle est engendrée de la neige ou de la glace endurcie par le temps".
Chez les Egyptiens de l'antiquité, le cristal de roche était employé pour exécuter des incrustations sur les meubles ; des artistes taillaient dans sa masse des vases, des coupes, souvent de grandes dimensions et les ciselaient finement. Dans la salle des antiquités égyptiennes, au Louvre, est un vase en cristal de roche couvert d'hiéroglyphes gravés. On en a fait aussi des incrustations dans les statues. La statue fameuse du scribe assis a les yeux incrustés de cristal de roche.
Chez les Grecs et les Romains, le quartz hyalin était très estimé. Il était aussi travaillé à la perfection et servait surtout à façonner des coupes, puisque ces vases constituaient, à eux seuls, presque toute la vaisselle des anciens. Les artistes de cette époque étaient tellement habiles et patients que dans certains gobelets nommés diatrètes, la panse est entourée d'une sorte de dentelle en cristal découpée à jour dans la matière même et qui, malgré cela, en semble indépendante. A Novare, on a trouvé un de ces vases, porteur de l'inscription suivante : "Bibe, vivas mullto annos", (bois et puisses-tu vivre longtemps), dont les lettres en cristal sont détachées et retenues simplement par des chevilles façonnées par l'artiste dans le minéral même.
Certains vases avaient des dimensions extraordinaires. Xénocrate parle d’un vase en quart qui tenait une amphore ; d’un autre qui contenait quatre setiers. Le Musée du Louvre possède un vase antique en cristal de roche de 34 centimètres de hauteur.
Pendant tout le moyen âge, le cristal de roche fut aussi en grand honneur, en raison surtout d’une superstition qui le faisait employer comme matière d’essai. On croyait qu’il devenait nuageux au contact des poisons. La crainte de l’empoisonnement fut tellement vive pendant toute cette longue période qu’on comprend le succès d’une substance jouissant d’une aussi merveilleuse propriété ; aussi figure-t-il sur presque tous les objets de table de cette époque. On en fit aussi des cabochons dans l’orfèvrerie ; on en garnit des bagues, des chapelets, les ostensoirs et les reliquaires pour laisser voir les reliques. Les échiquiers en cristal de roche étaient abondants alors ; plusieurs sont cités dans un inventaire des Ducs de Bourgogne ; au Musée de Cluny, salle du Sommerard, est un curieux échiquier qu’on dit avoir appartenu à Saint Louis. Au Louvre, on possède un petit coffret, dit Cassette de Saint Louis, bien qu’il soit du début du XIVème siècle. Très artistique, il présente aux angles des doublets de cristal de roche montés sur cuivre émaillé.
Avec la Renaissance, le quartz est employé à des travaux plus artistiques.
On en fait d'élégants coffrets parfois à formes architecturales.
La célèbre cassette en argent doré, dite cassette Farnèse, du Musée de Naples, qu’on a attribuée à Cellini, présente des panneaux dont chacun encadre une plaque ovale de cristal de roche merveilleusement gravée.
Les vases de cette substance jouissent aussi d’une grande vogue au XVIème siècle : Valerio de Vicence était surtout célèbre dans cette fabrication.
Le Musée du Louvre a, de cette époque, une collection d’objets en cristal de roche d’un prix inestimable : burettes, coupes, vases, aquamaniles à formes animales, etc. La plupart de ces objets sont contenus dans la galerie d’Apollon.
Au XIIIème siècle, le cristal de roche fut aussi très employé pour les pendants de cou ; on s’en servit pour fabriquer des montres et, plus tard, des tabatières. Au XVIIIème siècle, sa vogue diminue ; cependant il sert encore à exécuter de belles pièces, comme cette cuvette et ce pot à eau qui ont appartenu à Marie-Antoinette et qui font partie des collections du Louvre.