L'or moulu ou dorure au mercure désigne toute oeuvre d'art en métal recouverte de dorure au mercure. L'or utilisé à ces fins décoratives est très finement réduit en poudre, d'où le nom de "dorure d'or moulu". La dorure au mercure est préparée à base de mercure et d'or, intimement mélangés de manière à présenter la consistance d'une pâte.
Une vaste gamme d'objets précieusement ornementés ont été ainsi produits de la fin du XVIIème jusqu'au XIXème siècle : montures de meubles, poignées de portes, vases, candélabres, appliques, chenets.
La composition de l'alliage dont étaient réalisés ces objets a varié, mais elle semble avoir été voisine de celle du laiton ou du bronze. Elle contient généralement du cuivre en grande proportion, avec du zinc en moindre quantité, et parfois de l'étain. La "générosité" de la dorure, dite "au feu" ou "au mercure", est caractéristique des oeuvres traitées par ce procédé. Ce dernier servait à revêtir d'une couche d'or l'argent ou un autre métal, avant l'invention de l'électrodéposition.
On préparait la poche de fonderie (ou creuset) en la recouvrant d'une mince couche de chaux pour éviter que le métal n'adhère à la paroi. On y versait ensuite le mercure qu'on portait à ébullition, à 357,25 °C. L'or, sous forme de feuilles ou réduit en poudre, était chauffé, puis immergé dans le mercure qui l'absorbait immédiatement. L'amalgame ainsi formé était plongé dans l'eau froide, puis filtré à travers un sac de cuir, de manière à retirer l'excès de mercure. L'objet à dorer subissait un soigneux nettoyage avec de l'acide ou avec un abrasif. On préparait quelquefois la surface à l'aide d'un badigeon (dissolution de mercure dans de l'acide nitrique). La pièce était ensuite chauffée et enduite uniformément au moyen d'une brosse métallique humide. On chauffait de nouveau pour retirer le mercure en excès, qui s'évaporait ; l'or seul restait sur le métal. On polissait ensuite la dorure avec un brunissoir en agate, ou en hématite ou avec un abrasif doux.
Les objets à l'or moulu étaient généralement moulés à la cire perdue et travaillés ensuite au poinçon et au repoussoir. Le métal était embouti suivant la forme désirée, et on le ciselait pour lui donner à la fois texture et fini. Dans certains ouvrages de grande qualité, les surfaces mates présentent de délicates ciselures qui contrastent avec les parties dorées très brillantes.
L'art de l'or moulu reste essentiellement de tradition française car c'est en France que son procédé de fabrication devait atteindre un grand raffinement au milieu du XVIIème siècle. Les objets ainsi fabriqués relevaient d'un métier particulier, exercé par des membres de la Corporation des Fondeurs et de la Corporation des Doreurs.
Certains artisans, parmi les plus habiles, comme Charles Cressent, avaient en outre une formation de sculpteur, ce qui explique que bronziers d'art et sculpteurs aient toujours entretenu des liens privilégiés. L'or moulu était employé dans la fabrication de garnitures de meubles, de caisses de pendules, on l'utilisait aussi pour mettre en valeur porcelaines fines ou laques orientales. Celles-ci étaient fixées dans des montures élaborées, assemblées par des vis ou des boulons. En dépit de la lourdeur du matériau employé, les meilleurs bronziers réussirent à créer des chefs-d'oeuvre d'une légèreté et d'une finesse extraordinaires.
La plupart des grands bronziers, tels Pierre-Philippe Thomire et Pierre Gouthière, ont travaillé, en France, pour la famille royale.
Matthew Boulton jouira d'une notoriété comparable en Angleterre, pour les oeuvres, d'une qualité exceptionnelle, issues de sa fabrique de Soho, à Birmingham. La majeure partie de sa production fut consacrée aux garnitures de vases en marbre ou en fluorine bleue (variété de spath que l'on trouve dans le Derbyshire) ainsi qu'aux belles pendules ornées de sujets classiques.
A partir du milieu du XIXème siècle, l'électrodéposition supplanta la dorure au mercure et, bien qu'on ait conservé le procédé de coulage traditionnel dans bien des cas, on peut noter une subtile différence de nature et de couleur dans la dorure, selon que l'on est en présence de laiton doré, de bronze ou de véritable or moulu.
Bibliographie
"Meubles et Objets d'Art du Monde Entier"
Secrets de fabrication et critères d'authenticité
Pages 204 et 205
Elisabeth Drury
Bordas, Paris - 1987