Ebène verte : Ipé

Tabebuia ipa
(Bignoniaceae)



Ce bois est connu sous le nom d'ébène verte dès le XVIIème siècle. En 1690, François Guillemart, ébéniste de la couronne, livre à Chantilly deux tables de marqueterie de figuier d'Inde et d'ébène verte. Cette ébène verte ou jaune continuera à être importée sous le nom d'Ipé.

Habitat : Guyane française, Brésil

Caractéristiques :

Hauteur de l'arbre : 40 mètres

Couleur :

Brun olive à brun noirâtre, veiné jaune ou noir, grain fin. Bois résistant mais fendif. Acquiert un beau poli.

Ipé




Utilisation :

Dès l'Antiquité, à l'époque de l'Egypte pharaonique, ce bois noir entre dans la composition de toutes sortes de petits objets précieux.
En France au Moyen Age, on considère aussi l'ébène comme un bois rare et précieux : on lui attribue des pouvoirs magiques. Elle préserve de la peur. Aussi les berceaux des jeunes princes comportent-ils des parties en ébène.
Il est certain que, dès le haut Moyen-Age, grâce à la route de la soie maritime ou terrestre, certains bois asiatiques parviennent en Europe. On a recours à l'ébène pour fabriquer de petits objets précieux (coffret, manche de couteau, jeu de société...)

Tout va changer à la fin du XVème siècle. De hardis navigateurs portugais et bientôt hollandais, français et anglais parcourent les mers et découvrent de nouvelles terres dont ils rapportent des produits inconnus dont des bois.
Les quantités d'ébène importées deviennent plus importantes car, par exemple, à Madagascar et à l'Ile Maurice, la forêt regorge d'ébénacées. Le menuisier, qui se spécialise dans le travail ingrat de ce bois dur et fendif, prend alors le nom de "menuisier en ébène" ; il dispose dès la fin du XVIème siècle de billes de bois qui lui permettent d'envisager l'utilisation de l'ébène pour fabriquer de grands meubles. C'est grâce sans doute à l'ébène de Madagascar et des îles des Mascareignes que naît la vogue des cabinets revêtus de plaques d'ébène suffisamment épaisses pour qu'on puisse parer les vantaux d'une sculpture méplate représentant des scènes littéraires, mythologiques ou bibliques.

Peu à peu, le goût change et vers le milieu du XVIIème siècle on s'efforce d'égayer les façades des meubles. L'ébène ne joue plus le même rôle. On fait appel à ce beau bois noir pour servir de fond à un décor floral ppoychrome marqueté de bois de couleurs très variées et difficiles à identifier. Les meubles aussi changent de facture ; on trouve des commodes, des bureaux reposant sur des caissons dit "bureaux Mazarin" qui se parent de ce décor.

Mais les créations les plus originales de ce milieu de siècle sont dues à André Charles Boulle. Il choisit ce bois noir éclatant comme support à de savantes marqueteries où s'allient l'argent, l'étain, le cuivre, l'écaille, la corne, la nacre, l'ivoire. Ce décor d'arabesques ainsi composé sera repris aux XVIIIème siècle et copié au XIXème siècle sous le Second Empire.

Dès l'époque Régence, la mobilier français délaisse ce bois noir, un peu trop solennel et triste. On lui préfère des bois clairs et gris dont l'importation commence à se faire avec régularité. L'ébène n'est pourtant pas totalement éliminée. La marqueterie et l'incrustation ne peuvent se passer de ce bois noir qui n'a pas d'équivalent.

André Charles Boulle ne disparaît qu'en 1732. Il laisse des émules tels Philippe-Claude Montigny (1721 - 1798) et Levasseur (1734 - 1800) qui perpétuent les techniques inventées par le grand maître. Mais surtout l'ébène est le bois le mieux adapté pour enchâsser des panneaux de laque chinois ou japonais. Martin Carlin est peut-être l'ébéniste qui utilise le plus couramment, aux environs de 1780 - 1785, le placage d'ébène avec des laques du Japon; Il s'en sert aussi pour mettre en valeur des plaques de porcelaine de Sèvres. Malgré la vague montante de l'acajou, Carlin n'est pas le seul à se servir de l'ébène.

L
e bureau plat exécuté pour Lalive de July en 1757 est garni de plaques d'ébène. J.J. Pafrat mélange habilement l'acajou et l'ébène pour un secrétaire en armoire vers 1785. Des ébénistes comme Joubert et Roussel ont des morceaux d'ébène dans leur atelier. A la fin du siècle, Molitor dont la carrière se prolonge au delà de l'ancien régime fait un assez grand usage de l'ébène ; plusieurs commodes, bonheurs-du-jour, secrétaires mélangent la laque et l'ébène.

Ainsi même au XVIIIème siècle où l'ébène n'est pas le bois le plus recherché, son utilisation continue.


Sources bibliographiques

"Les bois d'ébénisterie dans le mobilier français"

Jacqueline Viaux-Locquin
Paris Léonce Laget - 1997

"Bois"
Essences et variétés

Jean Giullano
Editions H. Vial - 1996