Garniture à Châssis


Fauteuil à Châssis
Nicolas Blanchard
Ancienne Collection Berger



Raison d'être des Châssis amovibles

On trouve pour la première fois la mention de siège à châssis amovible dans le mobilier de la Couronne en 1730.

Il existait pour les sièges une ancienne pratique de couverture mobile : les étoffes qui recouvraient les sièges étaient parfois changeables ; maintenues sur le siège par les rubans aux quatre coins de la ceinture et aux attaches du dossier, elles pouvaient être remplacées au gré des saisons en même temps que les tentures de la pièce.

Le châssis amovible est une disposition différente : la garniture du siège, c'est-à-dire les sangles, l'embourrure et l'étoffe de couverture, au lieu d'être fixée, comme à l'ordinaire, par cloutage sur la ceinture du siège, est montée sur un châssis posé sur la ceinture. La garniture du dossier fait l'objet d'une disposition analogue.


Quelle est la raison d'être de ce système ? Sans doute a-t-on voulu ménager les bois de siège en prévision des changements de garniture. C’est un signe de la valeur que l'on commençait à accorder aux bois de siège avec leur parement mouluré et sculpté. On voulait leur épargner les outrages des clous, qu’un châssis de garniture pouvait bien supporter.


Particularités de la Construction

Feuillure et cavet en ceinture et au dossier 

Le châssis amovible repose dans une feuillure pratiquée à l'intérieur des traverses de ceinture pour le siège, à l'intérieur des traverses et des montants pour le dossier.
Le tissu de la garniture est fixé sur le châssis, il ne recouvre nullement ni les traverses de la ceinture ni le bois du dossier, où il est d'habitude fixé par des clous posés sur un galon.
Dans le cas d'un châssis amovible l'étoffe solidaire du châssis pénètre dans la feuillure à l'intérieur du bois. Le menuisier doit façonner le bois pour que la jonction de celui-ci avec l'étoffe soit harmonieuse. Pour cela, il profile le bord du bois par un cavet, c'est-à-dire par une moulure creuse profilée en quart de cercle ouverte vers le haut pour le siège, vers l'extérieur pour le dossier. C'est d'ailleurs la présence du cavet au bord supérieur de la ceinture qui révèle au premier coup d’œil le montage à châssis.

Verrouillage du châssis du dossier

Le châssis amovible du siège repose horizontalement sur la feuillure de la ceinture. Le châssis amovible du dossier est maintenu par 2 petites fiches métalliques qui pénètrent dans la traverse du haut et par un verrou à ressort qui pénètre dans la traverse du bas.




Fixation des garnitures d'accotoir

Les deux garnitures d'accotoir, ou manchettes, sont mobiles comme celles du siège et du dossier. Elles sont maintenues dans la partie horizontale de l'accotoir par deux tourillons de bois.

 


Particularités esthétiques

Mouluration de la traverse avant : le jeu de la gorge et du cavet

La contrainte essentielle qui singularise le dessin d'un siège à garniture mobile est la suivante : les mouvements de la mouluration de la ceinture se développent nécessairement dans un plan horizontal car le bord supérieur de cette mouluration (cavet) se trouve toujours au droit de la feuillure qui porte le châssis 




alors que la mouluration d'une traverse à garniture fixe possède des sinuosités verticales, l'étoffe de couverture accompagnant ces sinuosités.



Nicolas Blanchard, pour atténuer cette contrainte, a modelé le profil de sa traverse en élargissant par endroit le cavet ou la gorge de manière à obtenir une ondulation verticale qui accompagne et accentue le tracé horizontal.
C'est dans la réussite de ces variations parfaitement intégrées aux lignes harmonieuses du fauteuil, que réside la qualité de ce chef-d’œuvre.


Largeur des bois du dossier 

Une autre caractéristique des sièges à châssis amovible est la largeur de la partie apparente des bois du dossier, puisque le bois vient en recouvrement sur la couverture tandis que dans le cas d'une garniture fixe, l'étoffe dissimule la partie du bois qui reçoit les clous (le talus). Cela donne parfois aux dossiers à châssis une certaine lourdeur.
Nicolas Blanchard a surmonté la difficulté avec une maîtrise exceptionnelle créant l’harmonie du dossier par la simplicité et l’heureuse continuité entre les moulurations de la face et du chant des traverses et montants.



Source bibliographique

L'Estampille - L'Objet d'Art N° 185
Octobre 1985