Chenets



L'emploi du métal est ici immémorial. Les chenets de fer ont formé longtemps l'immense majorité du cette catégorie d'objets utilitaires, sur lesquels on mêle parfois des décors "de cuivre".
Les inventaires de Charles V, du connétable de Montmorency, de Catherine de Médicis en apportent la preuve, aussi bien que les peintures ou les estampes de l'époque de Louis XIII.
Les expériences de Louis XIV conduisent à des compositions et à des habitudes inconnues jusque-là. Les progrès des architectes, qui substituent aux cheminées d'ample volume des chambranles de marbre peu élevés, de dimensions plus humaines et plus commodes, incitent à une appréciation nouvelle de ce qui accompagne le foyer, tant dans les proportions que dans le décor.
Qu'il soit en argent ou en bronze, on s'intéresse de près au chenet, qui prend alors souvent le nom de grille et bientôt de feu, lorsque ces deux éléments se trouvent rassemblés.


Les chenets ou feux


Louis XIV, au mois de septembre 1688, se fait présenter des modèles pour Trianon, l'un par Cucci, "de cuivre doré d'or moulu", l'autre par Pezart, "ce cuivre doré d'or de feuilles", et tous deux ornés de vases. En 1690, un sérieux pas est franchi vers l'art du XVIIIème siècle, lorsque, sur des indications que nous pouvons croire venues de Monseigneur lui-même, on exécute pour le Grand dauphin des "grilles à feu" en bronze, décorées de combats d'animaux sur des "socles en forme de rocher"
Le goût du pittoresque et du précieux prime parfois le côté pratique. On en vient même à faire du chenet un objet fragile en le rehaussant de porcelaine, tel celui que décrit le catalogue de la vente Angran de Fonspertuis en 1747 -1748 (Lugt 682) : "367. Un feu composé de deux jolis groupes d'ancienne porcelaine de couleur du Japon placés, chacun, sur une espèce de tambour fait en forme de pot-pourri, de même porcelaine. Il est orné de bronze et garni de sa grille de fer".



Les instruments de foyer


La grille ou le feu forme un tout dans l'esprit des gens du XVIIIème siècle dès sa livraison. Les deux parties qui composent la paire de chenets sont réunies par les barres de fer qui constituent la grille proprement dite et qui portent les bûches. En outre, l'usage est presque constant de fournir en même temps deux ou trois outils d'accompagnement : pelle, pincettes, tenailles ou badines (ces deux dernières étant des pincettes plus grosses ou plus petites qu'à l'accoutumée). Le bouton de ces instruments peut être décoré en accord avec le feu.
Cette tendance se manifesta déjà chez un mécène comme le connétable de Montmorency et chez Louis XIV, dont les orfèvres ajoutèrent presque toujours aux chenets correspondants des "garnitures de feu", composées de la pelle, des pincettes et des tenailles ; les boutons étaient en argent. Le souci d'harmonie restera le même pour les boutons en bronze doré pendant tout le XVIIIème siècle.



Croissants et encoignures


Un esprit d'ordre conduit à la fabrication de croissants "pour mettre au coin d'une cheminée et servir à soutenir la garniture du feu". On les place d'abord à l'intérieur de la cheminée, puis à l'extérieur. Certains existent encore, témoins ceux en forme de couleuvres qui se mêlent aux bronzes ornant les parois latérales de la précieuse cheminée du cabinet de garde-robe de Louis XVI à Versailles.
Les raffinés ajoutent de petites cuvettes de tôle ou encoignures à l'extérieur de la cheminée pour maintenir la propreté du parquet. Le maréchal de Contades en demande dans les principales pièces de son château de Montgeoffroy. Marie-Antoinette fait livrer en 1785, pour les cheminées de son nouvel appartement des Tuileries, "huit encoignures de fer blanc pour recevoir à coté des jambages des susdites cheminées les pelles, pincettes et tenailles, à raison de 3 livres pièce", ou encore, pour son Boudoir turc de Fontainebleau, "deux encoignures servant à retenir pelle et pincette, en bronze doré, à balustre à jour sur fond bleu", destinées à s'harmoniser avec le feu au chameau, lui-même en bronze doré à arabesques se découpant sur fond bleu, tandis que les instruments de foyer sont "de fer doré et à boutons de bronze représentant des bustes de nègres".



Garde-feux, brasiers et poêles


On ne quittera pas les applications du bronze au foyer sans en mentionner encore trois, moins fréquents il est vrai que les précédentes. Les garde-feux, qui semblent apparaître dans la première moitié du XVIIIème siècle, sont le plus souvent de fer et garnis de fil de fer ; ils peuvent être "bronzés couleur d'or", comme Louis XV en fait placer dans ses petits-appartements de Versailles, ou "grillés en fil de laiton, dont la carcasse est dorée au feu", comme on en signale au Palais-Bourbon en 1779. Les brasiers ou braseros sont plutôt de cuivre rouge et de plus en plus rares dans des appartements mieux chauffés. Louis XV envoie à la Sublime Porte deux splendides braseros de bronze doré ou de similor, exécutés par Duplessis. Il fait lui-même disposer dans ses cabinets de Versailles, à côté de sa salle à manger, un "brazier de bronze avec son pied de fer". Enfin, les poêles, s'ils ne sont pas de terre cuite ou de faïence, mais de tôle ou de cuivre, peuvent recevoir des applications de bronze décoré.
On citera celui de Blondel de Gagny, enrichi de "mufles de lion, flammes et salamandre", bel ouvrage du bronzier Gallien, ou encore celui qui décorait l'hôtel du Garde-Meuble, rue Saint-Florentin, à la veille de la Révolution, et qui, traité en encoignure, était "en cuivre peint imitant l'ébénisterie" et, comme tel, enrichi de bronzes dorés d'or moulu.



Source bibliographique

Les bronzes dorés Français du XVIIIème siècle

Pierre Verlet
Picard Editeur - 1987